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samedi 19 novembre 2011

Les difficiles rapports DSI - Maîtrise d'ouvrage

Les difficiles rapports DSI - Maîtrise d'ouvrage par Le Journal du Net (15/11/2004)

Qui sont les maîtres d'ouvrage dans les entreprises ? Quelles sont leurs missions ? Pourquoi sont-ils souvent accusés de faire échouer les projets informatiques ? Une enquête pour faire le point.

"La quasi totalité des échecs sur les projets sont à imputer aux maitrises d'ouvrage" rapporte Michel Volle, consultant, fondateur du Club MOA et ancien responsable maitrise d'ouvrage chez Air France. Spécifications insuffisantes, évolution des besoins en cours de projets ou demandes irréalisables dans les délais sont quelques uns des reproches qui leurs sont adressés par les informaticiens. Les rapports entre MOA (maîtrise d'ouvrage - métiers) et MOE (maîtrise d'oeuvre - informatique) sur les projets informatiques ne sont pas toujours simples.
Mais la MOA tend à se professionnaliser. Le Club MOA s'est d'ailleurs mis en place en 1997 pour encourager cette professionnalisation, multiplier les échanges d'expérience et définir un guide des bonnes pratiques et des méthodes de travail communes. Comment sont composées les MOA dans les entreprises ? Quelles sont les rôles et zones de pouvoir exercés et occupés par MOA et MOE ? Quelles sont les difficultés rencontrées et les solutions à mettre en place ? Etat des lieux.

Composition et organisation des MOA dans les entreprises
A la Sodexho Chèques et Cartes de Services (CCS), filiale du spécialiste de la restauration d'entreprise Sodexho Alliance, il n'existe pas de maîtrise d'ouvrage permanente. "La maîtrise d'ouvrage évolue selon les personnes et selon les projets, si j'ai travaillé à ce poste pour un projet CRM, notre webmaster est amené à travailler sur un projet Web avec l'informatique" explique Sertaç Turan, rattaché au marketing et chef de projet opérationnel pour le CRM.
A l'inverse la MGEN (Mutuelle Générale de l'Education Nationale) qui compte 9.300 salariés, a, elle, mis en place dès 2000 des pôles d'assistance à MOA de taille différente (de 3 à 25 personnes) selon les directions. Six pôles sont spécialisés (Trésorerie Générale, RH, Activité Sanitaire & Social et trois sur les activités de RO - régime obligatoire - et RC - régime complémentaire) et un autre pôle assure la MOA pour les projets transversaux.
"Les utilisateurs étaient auparavant en dialogue direct avec la maitrise d'oeuvre informatique mais la direction a souhaité que les métiers s'impliquent davantage sur le développement de leurs applications" précise Thierry Augay, responsable de la MOA pour le pôle Trésorerie Générale qui compte 4 personnes. Les MOA du groupe sont toutes rattachées aux directions métiers sauf celle sur les projets transverses rattachée à l'informatique. Les membres de ces pôles ont souvent des profils informatiques ou métiers.
"En général dans les MOA, ce sont soit des informaticiens, soit des spécialistes du métier"
"En général dans les MOA, ce sont soit des informaticiens spécialisés dans un domaine d'activité - commercial, RH, production...-, soit des spécialistes du métier" confirme Michel Volle. "Ce sont dans les grandes entreprises, qui ont plusieurs dizaines de projets par an, que l'on trouve des pôles dédiés. Pour des petites structures, il n'y a pas besoin d'entité permanente" poursuit-il.
"Ce que je recommande, c'est que dans les grandes entreprises, chacun des directeurs soit assisté par une maitrise d'ouvrage déléguée - de 1 à 10 personnes - pour prendre les décisions sur l'évolution du système d'information et qu'une équipe se mette également en place auprès de la direction générale cette fois pour les projets transversaux comme la messagerie ou l'administration des données", ajoute le responsable de la MOA.

La répartition des rôles et des pouvoirs entre MOA et MOE
"Mon rôle consiste à évaluer avec les utilisateurs leurs besoins, établir un cahier des charges, assurer le lien avec l'informatique, contrôler le planning de réalisation produit par la MOE et de faire du reporting pour indiquer les retards éventuels. La MOE se charge de voir quels moyens techniques elle met en face du cahier des charges, si elle a les compétences en interne..." résume Sertaç Turan.
"Nous avons une méthode interne de conception générale, nous formalisons les besoins, installons, paramétrons et administrons les outils, faisons la recette et assistons les utilisateurs. Les budgets pour les outils dépendent des métiers et non de l'informatique. Cette dernière nous donne des pistes et des avis techniques mais tout le reste dépend des métiers" complète Thierry Augay.
"La MOA doit définir ce que le produit doit faire, donner des spécifications claires pour la MOE, ceci équivaut à fournir une version modélisée des besoins, si possible sous UML. La MOE doit ensuite introduire des contraintes techniques aux demandes métiers, rédiger la partie technique du cahier des charges et assurer la réalisation" atteste Michel Volle.
Pour Sonia Boittin, directeur associée du cabinet de conseil KLC, la répartition financière des projets est encore problématique. "La MOA est la seule entité à pouvoir justifier économiquement un projet et faire une étude de rentabilité. Ce n'est pas à l'informatique de définir le ROI or on assiste encore souvent à ces situations."

Les rôles de la MOA :
  • Spécifier les besoins
  • Choisir et lancer les moyens (lance le projet, le gère et le finance)
  • Suivre la réalisation (valide les solutions, participe à certains travaux)
  • Réceptionner (recette les livrables)
  • Exploiter l'oeuvre ou en confier l'exploitation
  • Maîtrise les risques

Les rôles de la MOE :
  • Concevoir techniquement (propose des solutions)  
  • Organiser et contrôler la réalisation (conduit les travaux, )
  • Contrôler le résultat et rapporte à la MOA sur l'avancement du projet
  • Livrer un projet réalisé conformément aux dispositions contractuelles et aux règles de l'art
  • Préparer l'exploitation
  • Gère les risques

Les principales difficultés rencontrées
"Le principal point sur lesquels il y a des accroches concernent les délais de mise en place. La MOA a également tendance à vouloir coller au maximum aux besoins exprimés par les utilisateurs alors que la MOE peut avoir tendance à les contourner si elle rencontre des difficultés techniques, il faut parvenir à un niveau d'acceptabilité" note le chef de projet CRM chez Sodexho CCS.
Au sein de la MGEN, les problèmes étaient davantage de nature structurelle, liés à la réorganisation de l'entreprise et à la création de pôles MOA dédiés. "L'informatique a plus ou moins bien vécu le changement et certains d'entre eux ont ressenti une perte de leur pouvoir. Les problèmes ont perduré jusqu'en 2003 où un audit a été réalisé à la demande de la direction générale pour évaluer les rapports MOA/MOE", explique Thierry Augay.
"Du côté MOE, certains informaticiens faisaient de la rétention d'information, et laissaient les projets échouer. Du côté MOA, certains n'ont pas su exprimer les besoins de manière suffisamment claire. Des personnes ont été remerciées des deux côtés et les problèmes se sont en partie résolus. En fait la grosse difficulté a été de faire admettre à la MOE qu'elle était au service de la MOA tout comme la MOA l'était des utilisateurs finaux" .

D'après Michel Volle, c'est l'effet tunnel qui est un des plus gros problèmes: les informaticiens s'engagent dans la réalisation d'un projet avec une définition des besoins approximative et livrent un produit sans étapes intermédiaires; la solution à l'arrivée ne correspond de ce fait rarement aux attentes des MOA.
"Il arrive souvent que les MOA ne définissent pas leurs besoins et accusent au final l'informatique en expliquant que le produit final ne correspond pas à ce qu'elles demandaient" confirme Sonia Boittin. Elle précise également que la majorité des utilisateurs ne connaissent pas l'impact de leurs demandes sur les coûts et ne les limitent de ce fait pas.

"En général ce sont plutôt des gens qui ne veulent pas s'écouter, les MOA ne veulent pas tenir compte des contraintes techniques, ne définissent pas des besoins et des spécifications de qualité et les MOE ont des priorités propres, favorisent les projets qui les intéressent davantage ou pensent savoir ce que les opérationnels ont besoin" poursuit Michel Volle.

Les solutions à mettre en place
Plusieurs solutions ont été mises en place dans les entreprises. Chez Sodexho, c'est la complémentarité des responsables MOA/MOE qui a été un atout. "Nous avons tous deux des compétences à la fois techniques et fonctionnelles. Au début on se marchait un peu sur les pieds, en empiétant sur les domaines de l'autre, il a fallu une période d'adaptation, mais quand nos rapports ont été davantage rodés, cette double compétence a été un avantage" retrace Sertaç Turan. Au sein de la MGEN, c'est une définition précise des rôles de chacun qui a aidé à débloquer la situation.

Définition d'une méthodologie, des missions des MOA et MOE et professionnalisation de la maitrise d'ouvrage sont aussi les arguments cités par les experts. "Il est essentiel de mettre en place une MOA professionnelle dans les entreprises et l'informatique doit accepter cette professionnalisation. Mais les opinions des MOE sur le sujet sont souvent contradictoires, ils veulent avoir affaire à une bonne maitrise d'ouvrage mais voit cette évolution également comme un empiètement de leur pouvoir. Il faut admettre que les deux métiers sont différents, la modélisation et l'organisation de l'entreprise pour la MOA, la réalisation et l'exploitation informatique pour la MOE", évalue Michel Volle.
Le cabinet KLC qui intervient souvent en amont ou en cours de projet définit plusieurs mesures à mettre en oeuvre. "Nous aidons les entreprises à organiser et définir une MOA. Nous mettons aussi en place des conventions de services qui définissent les rôles et responsabilités des directions informatiques et métiers, les niveaux de services attendus, les systèmes de contrôle, les procédures d'alertes et des pratiques pour la gestion des changements" détaille la directrice associée du cabinet.

Le rôle de la direction générale pour les rapports MOA/MOE est aussi essentiel, il doit faire comprendre à son entreprise que ce sont les MOA les responsables des projets. "Il est de la responsabilité de la direction générale de faire les arbitrages. Avant, on rencontrait surtout des problèmes entre direction commerciale et production dans les entreprises, aujourd'hui c'est entre MOA et MOE", conclut Michel Volle.
 

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